Nommée à tort « spasticité », il s'agit d'une myasthénie d'origine génétique, atteignant préférentiellement la jonction neuro-musculaire des muscles proximaux des membres antérieurs.
C'est en 1974 que la myasthénie du Devon Rex est décrite pour la 1ère fois. Au départ, les éleveurs en ignorent l'origine. Mais ils constatent que cette maladie affiche un flux constant de cas
dans plusieurs pays (Australie, Nouvelle Zélande, Etats-Unis, Grande-Bretagne et Pays-Bas), et ils suspectent alors une origine génétique.
En effet, lorsque la race a été créée dans les années 60, des mariages consanguins ont nécessairement été réalisés afin de déterminer et fixer le standard de la race. C'est de cette consanguinité
importante qu'est apparue la myasthénie du Devon Rex.
Alors, l'étude des pedigrees des chatons atteints a permis de conclure à une transmission héréditaire monogénique (gène appelé spt) autosomale (pas de prédisposition de sexe) et récessive car les
chatons étaient issus de parents normaux (dits porteurs sains SPT/spt).
La maladie se développe chez les chatons âgés en moyenne de 4 à 7 semaines, et parfois jusqu'à 12 ou 14 semaines.
Le chaton est actif et normal mentalement mais on note des attitudes anormales :
- Une interruption fréquente des jeux pour se reposer.
- Une démarche saccadée, raide et hypermétrique des membres antérieurs (qui montent très haut : « marche militaire »). Il court en sauts de lapin par défaut de souplesse des
membres.
- Les épaules sont portées hautes (protrusion des omoplates).
- Un port de tête bas avec le cou incurvé vers le bas (ventroflexion). Le menton peut toucher la poitrine. Cette flexion est accentuée lors de la marche, de la miction et de la défécation.
- Au repos, le chaton est allongé sur le ventre avec la tête inclinée sur le côté ; ou il est en position assise sur la croupe en se tenant très en arrière ; ou encore en position de chien-assis avec les antérieurs reposant sur un support vertical de façon à étendre au maximum la cage thoracique.
- Pour s'alimenter, le chaton éprouve de la difficulté à cause de son cou arqué vers le bas, incapable de l'allonger. Boire est encore plus compliqué car le nez trempe souvent sous la surface de l'eau. Les fausses routes d'aliments sont d'ailleurs une des causes majeures de décès des chatons myasthéniques.
La sévérité des symptômes varie d'un chat à un autre et d'un jour à l'autre chez le même chat. Des périodes de quelques jours d'apparence normale alternent avec une détérioration générale de la condition (grandes difficultés locomotrices et respiratoires, fatigue intense). L'espérance de vie des chats atteints est très variable : de quelques mois à plusieurs années, à condition d'apporter des soins adéquats.
L'analyse des fibres musculaires atteintes montre que ces dernières sont de calibre hétérogène et qu'elles dégénèrent. Plus l'animal est atteint (et donc vieillit), plus ces anomalies sont importantes. Les nerfs, eux, ne présentent aucune atteinte. Il s'agit d'une dystrophie exclusivement musculaire. C'est seulement récemment que l'on a compris que l'affection concernait la jonction neuro-musculaire.
Aucune rémission n'est possible, cette maladie évolue inexorablement vers la mort à court, moyen ou long terme.
Devant l'inquiétude des éleveurs face à l'apparition et le développement de cette maladie, le mode de transmission (autosomale récessive) et l'héritabilité de la maladie ont été rapidement
évalués.
Puis, dès les années 1980, les éleveurs français et hollandais, conscients du danger que représentait cette maladie pour leurs lignées, ont mis en place un programme de sélection rigoureux,
visant à écarter de la reproduction outre les malades, mais aussi les potentiels porteurs sains (difficilement détectables). Ainsi, la fréquence de la maladie a considérablement baissé et,
depuis, un unique cas de Devon Rex myasthénique a été rapporté dans la littérature scientifique. Les élevages actuels de Devon Rex étaient considérés comme indemnes de myasthénie jusqu'il y a
peu. Mais en 2012 et 2014, des nouveaux cas de CMS chez le Devon Rex sont réapparus en Europe, ce qui a relancé les travaux de
recherche dans cette maladie.
Depuis Juin 2015, le gène muté responsable de la maladie a été mis en évidence par l'équipe française du Dr M. Abitbol et du Pr S. Blot de l'Ecole Nationale Vétérinaire d'Alfort
(ENVA), en étroite collaboration avec le laboratoire Antagène (qui commercialise son test génétique CMS depuis Juillet 2015) et le LOOF. Une grande avancée qui va permettre de dépister les chats
et d'éradiquer la maladie. L'article complet des auteurs est disponible gratuitement ici.
N.B. : En 2007, une jeune chatte Sphynx a présenté les mêmes signes cliniques de cette maladie. Les histoires de ces 2 races félines étant intimement mêlées (le Devon Rex a été utilisé
en mariage pour développer le Sphynx), une origine génétique commune pour ces 2 maladies a été supposée. Cette hypothèse a été confortée par une autre étude (2008) mettant en évidence un défaut
d'expression d'une protéine chez un Devon Rex et 2 Sphynx atteints de myasthénie. La CMS du Devon Rex ne serait donc potentiellement pas uniquement cantonnée à cette race.
Sources :
Les myopathies des chats devon rex et sphynx, une même maladie héréditaire ? Abitbol M, PVE (2009), 16-17
« Spasticity » in the Devon rex cat, Robinson R., Vet Record (1992) 130, 302