Il s'agit d'une maladie infectieuse virale du chat et des autres félidés sauvages due à l'action pathogène d'un virus nommé
Coronavirus ayant muté. Il est responsable de lésions de vascularite associées à une infection de type pyogranulomateuse. Cette affection est particulière car elle se situe à la frontière entre
une virose et une atteinte auto-immune, selon certains de ses aspects.
La maladie présente plusieurs formes dont les 2 plus fréquentes sont :
- La forme humide, la plus caractéristique : du liquide s'accumule dans les grandes cavités (abdomen et thorax).
- La forme sèche : les lésions sont non exsudatives et touchent différents appareils ou organes, d'où une grande variété de symptômes.
Cette maladie est connue depuis les années 60 environ. Vers 1970, l'existence d'une maladie virale due à un Coronavirus est confirmée et depuis, malgré les nombreuses études, des interrogations persistent sur cette maladie.
- Médicale, car cette maladie est d'un diagnostic très difficile et d'un pronostic toujours mortel (2 mois sans traitement, 6
mois avec traitement). Il n'existe pas de traitement approprié efficace même si des pistes existent. De plus, la prévention est très difficile, notamment dans les élevages.
- Légale, car il s'agit d'un vice rédhibitoire.
- Pour les collectivités (les grands effectifs favorisent la circulation et la mutation du virus).
Le virus responsable appartient à la famille des Coronaviridae : Feline Coronavirus (FCoV). Il regroupe en réalité 2 pathotypes différents :
- Le FECV (Feline Enteritic CoronaVirus) qui est responsable de lésions digestives se traduisant par des entérites banales ou parfois même ne provoquant
aucune lésion (passe inaperçu).
- Le FICV (Feline Infectious CoronaVirus) qui est lui responsable de la PIF avec des lésions beaucoup plus graves de vascularite.
Actuellement, ces 2 types ne sont discernables par aucune méthode diagnostique. Il n'y pas de différence sérologique entre eux.
Le coronavirus possède un grand pouvoir de mutation. Ainsi, le chat serait infecté par la forme FECV qui n'aurait que la capacité à se multiplier dans les entérocytes, à l'origine
d'entérites.
Suite à une/des mutation(s) du virus dans l'animal infecté, ce dernier passerait à la forme FICV. Les mutations seraient à l'origine de l'acquisition du pouvoir pathogène du virus consistant
en la capacité à se multiplier dans les macrophages (cellules blanches de défense) et donc à pénétrer en profondeur dans l'organisme. Aucune technique PCR (analyse moléculaire du virus) pour
différencier ces 2 virus n'existe à ce jour, car les mutations sont variables et aléatoires d'un chat à un autre. Il existe donc une multitude de FICV, chacun étant propre à chaque animal. Le
FICV n'est pas transmissible aux autres chats (les chats malades n'excrètent pas le virus) contrairement au FECV qui lui est l'agent contaminant (et qui peut être excrété par les chats porteurs).
Comme on ne peut différencier les 2 types de virus, lors de dépistage on ne pourra obtenir qu'une prévalence globale (nombre de chats infectés par le virus à un moment de leur vie) pour le
Coronavirus. Cette prévalence varie selon qu'il s'agit d'un chat de particulier (25-30%) ou d'un chat d'une collectivité (75 à 100% des chats). Plus l'effectif est important, plus le pourcentage
est élevé.
Par contre, si l'on évalue la mortalité, celle-ci est plus représentative de la réelle prévalence de la PIF (puisque la maladie est mortelle). Parmi les chats séro-positifs (c'est-à-dire, ayant
rencontré le virus à un moment), il y a 1 mort sur 5000 cas (au maximum dans les grands élevages très touchés, ce chiffre atteint 10%). On peut donc dire que suite au passage d'un Coronavirus
chez un chat, le risque de contracter la PIF reste rare.
Les sources de contamination sont essentiellement les chats infectés qui émettent le virus dans leurs fèces, éventuellement leur salive et peut-être leur urine. L'excrétion dure pendant plus de 8
mois après séroconversion et jusqu'à parfois 12 à 24 mois.
La transmission peut être :
- Directe : par voie oro-nasale (de chat à chat)
- Indirecte : par la litière souillée, les gamelles.
- (Et transplacentaire : attention, uniquement en conditions expérimentales).
Il existe plusieurs facteurs de réceptivité ou prédisposition mais le principal est l'âge des chats. Les jeunes sont d'abord protégés par les anticorps de la mère jusqu'à 6 semaines, puis ils
deviennent réceptifs à partir de cet âge. Ce sont surtout les jeunes de 3 mois à 3 ans, et dans une moindre mesure, les chats âgés (10-14 ans) qui vont être touchés.
Cette maladie est surtout importante en collectivité, c'est un problème d'élevage car le FECV est très contagieux. 95 à 100% des chats mis en contact avec un chat infecté sont contaminés en 2
semaines. On a constaté dans des études américaines et australiennes que les chats de race, de sexe mâle, étaient plus enclins à développer la PIF car ils étaient issus d'élevage (collectivité)
et car des facteurs de prédisposition génétiques sont fortement suspectés (dans des lignées de Birmans et Persans américains, ou de British shorthair, Devon Rex et Abyssins australiens
notamment). Les contacts occasionnels (exposition féline et saillies extérieures) ne représenteraient pas une source de risque importante.
Même si le virus mute et acquiert son pouvoir pathogène, le chat a la possibilité de s'en débarrasser et de développer la maladie ou non, sous une forme ou une autre. Cela dépend du chat et de la
qualité de sa réponse immunitaire (notamment de la réponse à médiation cellulaire). Le stress (notamment changement de propriétaire, arrivée d'un nouvel individu) interviendrait comme un facteur
déclenchant d'une forme aiguë.
Après contamination par voie oro-nasale, le virus colonise l'intestin grêle (et un peu l'épithélium respiratoire). En cas de mutation, il colonise alors les cellules mononuclées de défense (=les
macrophages), atteint ainsi les noeuds lymphatiques mésentériques, puis passe par voie sanguine (=virémie) de manière transitoire (1 semaine environ). La capacité de multiplication du virus dans
ces cellules dépend de sa virulence. Cette incubation apparente dure au total 7 à 16 jours.
- Si l'immunité cellulaire du chat est bonne, celui-ci guérit et ne développe pas de PIF.
- Si l'immunité cellulaire est moyenne, se développe une forme retardée de PIF (dite de latence) qui, a la faveur de facteurs exogènes comme le stress, peut se transformer en une forme
fulminante.
- Si l'immunité cellulaire est insuffisante, se développe une forme sèche de PIF.
- Si l'immunité cellulaire est nulle, se développe une forme humide de PIF.
On distingue 3 formes principales :
- La forme humide représentant 2/3 des cas.
- La forme sèche représentant 1/3 des cas.
- Et la forme oculaire, un peu particulière dont le pronostic vital peut aller jusqu'à 1 an sans traitement.
La forme humide :
Les grandes cavités présentent un épanchement. Le plus souvent, il s'agit d'une exsudation péritonéale dite « ascite », mais d'autres séreuses peuvent être touchées : les plèvres
(pleurésie), le péricarde (péricardite), les séreuses génitales.
Les signes fonctionnels peuvent être des difficultés respiratoires (dyspnée).
Les signes généraux sont eux, très peu spécifiques et communs avec la forme sèche (ce qui explique la difficulté diagnostique) : anorexie, perte de poids, dégradation de l'état général, poil
terne, fièvre récurrente.
L'ascite est un des signes les plus évocateurs, mais l'exsudat peut se stabiliser à un certain niveau et peut même être de volume limité. Il est la conséquence de lésions de vascularite (par
phénomène d'hypersensibilité de type III) et de l'inflammation qu'elle génère.
La forme sèche :
Moins fréquente, elle est variable dans sa symptomatologie selon les organes touchés.
- Atteinte neurologique : troubles nerveux variés allant des convulsions, aux pertes d'équilibre en passant par un changement du comportement, des tremblements et des faiblesses voire des
paralysies.
- Atteinte hépatique : foie de taille augmentée (senti par le vétérinaire), ictère, symptômes d'insuffisance hépatique (prise de boisson augmentée, vomissements, diarrhée.), hépatite
pyogranulomateuse.
- Atteinte rénale : insuffisance rénale, néphrite pyogranulomateuse.
- Atteinte intestinale : entérite, anses intestinales anormales à la palpation par le vétérinaire.
La forme oculaire :
Les yeux peuvent être atteints uni ou bilatéralement : uvéite avec hypopion ou hyphéma, décollement rétinien, hémorragies rétiniennes, choriorétinites.
C'est un défi pour le vétérinaire car le diagnostic est toujours très difficile. Les signes cliniques sont peu spécifiques (anorexie, abattement, fièvre, amaigrissement.). C'est
conjointement aux examens complémentaires que de fortes présomptions seront établies.
Le vétérinaire va se baser sur les éléments d'examens complémentaires de base et spécifiques :
- Hématologie : les lymphocytes, cellules blanches du sang, et les globules rouges sont souvent en quantité légèrement insuffisante. On parle respectivement de lymphopénie et d'anémie. On
note aussi moins souvent une neutrophilie (autres cellules blanches, en quantité augmentée).
- Biochimie : la quantité de protéines sanguines est augmentée (>80 g/L) : l'albumine est normale ou diminuée tandis que les gamma-globulines augmentent. Le rapport
albumine/globuline est un bon outil pour écarter une suspicion de PIF (pas de PIF si >0,8). La protéine orosomucoïde pourra être un critère très intéressant lorsqu'on saura faire son dosage en
laboratoire. Les valeurs hépatiques en bilirubine et AsAT sont généralement augmentées (dans la forme humide comme sèche) dans les 2 semaines précédant la mort.
- Liquide d'épanchement : couleur jaune-citron, filant, visqueux, facilement coagulable (dans l'eau froide ou acide), stérile (pas de micro-organisme). La densité (>1.017) et le taux de
protéines (>35 g/L) y sont très élevés avec un rapport albumine/globuline <0,4, et il n'y a quasiment pas de cellules.
- Liquide céphalo-rachidien (LCR) en cas d'atteinte nerveuse : grande richesse en protéines, faible cellularité, possible présence d'anticorps anti-coronavirus.
- Sérologie sur le sang (=dosage des anticorps anti-coronavirus, décelables 7 à 10 jours après le début de l'infection) : c'est le plus simple à réaliser mais malheureusement, aucune
différence entre le FECV et le FICV n'est possible. Ainsi, si la sérologie est positive, on pourra seulement dire que le chat a contracté le coronavirus à un moment donné, mais en aucun
cas, on pourra affirmer qu'il a la PIF ! Dans le cas contraire, l'on condamnerait de nombreux chats non malades en réalité. « La sérologie des coronavirus a tué plus de
chats que la PIF elle-même » (F. Scott).
- Sérologie sur liquide d'épanchement ou liquide céphalorachidien (LCR) : si elle est fortement positive c'est en faveur d'une PIF mais ce n'est pas sûr à 100%. Si elle est négative, on
ne peut pas écarter la PIF car cette maladie « consomme » les anticorps de l'animal qui peuvent alors être bas.
- RT-PCR (Reversed Transcriptase - Polymerase Chain Reaction) ou immunofluorescence (techniques qui mettent en évidence l'ARN (s'apparente à l'ADN) du virus) : même problème, il est
impossible de différencier l'ARN du virus FECV de celui du FICV. On aura tout de même une forte suspicion de la maladie si l'analyse est largement positive sur liquide d'épanchement ou LCR car
normalement, seul le FICV passe la barrière digestive. D'autres liquides ou tissus peuvent être analysés selon la forme (humeur aqueuse, sang en cas de fièvre (virémie), biopsie de foie et de
rein).
- Légalement, ce sont les lésions pyogranulomateuses et de vascularite visibles à l'autopsie (et confirmées par examen histologique, parfois associé à une RT-PCR ou une immunofluorescence) qui
constituent le diagnostic de certitude pour le législateur.
Attention, d'autres maladies sont responsables d'épanchement chez le chat comme une insuffisance circulatoire, un lymphome, une cholangio-hépatite ou une péritonite/pleurésie septique. Il ne faut donc pas penser uniquement à la PIF face à des épanchements des cavités chez le chat mais explorer également les autres causes.
En France la péritonite infectieuse féline est listée dans les vices rédhibitoires, loi du 22/06/1989.
Le décret n°90-572 précise un délai de garantie : 30 jours, pendant lesquels on peut mettre en oeuvre des mesures juridiques. Quant au délai de suspicion de la maladie, il est large par
rapport au développement de la maladie : 21 jours.
L'arrêté du 02/08/1990 définit :
- les critères de suspicion : hyperthermie persistante, épanchement péritonéal/pleural, uvéite, signes nerveux, présence d'anticorps dans le sang (ce qui est discutable car pénalisant pour
les éleveurs, étant donné que 80% des chats de collectivité sont positifs) ou le liquide d'ascite.
- les conditions du diagnostic de certitude : confrontation des signes cliniques et mise en évidence des anticorps. Sur l'animal mort, ce sont les lésions histologiques.
N.B : seule la forme humide peut être diagnostiquée avec quasi certitude du vivant du chat.
En l'absence de traitement, la durée de survie est de 8 jours jusqu'à 2 mois, excepté pour les formes oculaires (1 an). Avec traitement, la survie est allongée jusqu'à 6 mois. Une étude
taïwanaise de 2009 a montré que les valeurs de certains paramètres biochimiques (globules blancs, bilirubine, AsAT, potassium et sodium) permettaient d'évaluer l'état d'avancement de la maladie
et la durée de survie du chat par l'utilisation d'une échelle de point (ex : survie d'au moins 2 semaines, de moins de 2 semaines ou de moins de 3 jours).
Peu de traitements se sont révélés efficaces. Les antibiotiques, les anti-inflammatoires à visée immunosuppressive ont été utilisés sans effet. L'utilisation des antiviraux (Ribavirine) ou des
complexes vitaminiques montrent des résultats peu probants.
Actuellement, les essais avec les interférons recombinants humains et l'interféron omega recombinant félin (VIRBAGEN omega®) donnent un espoir. Mais le traitement est long, cher et l'on manque de
recul pour les résultats d'efficacité. Ce traitement se réalise en 2 étapes : ponction du liquide d'épanchement + injection in situ de dexamethasone, puis interféron + prednisolone
dont les doses et la fréquence d'administration changent en fonction de l'état de rémission ou non du chat.
Recemment, une étude japonaise a montré que la cyclosporine A (médicament immunosuppresseur) inhibe la réplication in vitro du FICV, mais d'autres études sont nécessaires pour vérifier l'intérêt pratique de la cyclosporine A comme anti-FICV in vivo (Suppression of feline coronavirus replication in vitro by cyclosporin A. Tanaka Y, Sato Y, Osawa S, Inoue M, Tanaka S, Sasaki T.Vet Res. 2012 Apr 30;43(1):41).
Il n'existe pas de vaccins sur le marché en France. Cependant, le vaccin PRIMUCELL® (vaccin vivant atténué par voie intra-nasale de chez Pfizer) est utilisé en Grande-Bretagne et en Amérique du
Nord. Son efficacité est discutée.
La prévention concerne en particulier les collectivités (élevages, refuges, associations, propriétaires de plusieurs chats). Le but est de limiter la diffusion du coronavirus à
l'intérieur de celles-ci en :
- Diminuant la contamination fécale par l'hygiène de la région péri-anale (surtout pour les chats à poils longs) et des litières : 1 litière par chat ou pour 2 chats maximum, retrait
des selles quotidiennement et nettoyage / désinfection à l'eau de javel au moins une fois par semaine (ou quotidiennement dans les collectivités à risque), nettoyage quotidien des alentours de la
litière, placement des litières suffisamment loin des gamelles.
- Limitant le nombre de chats dans l'élevage (8-10 maximum).
- Mettant en quarantaine les nouveaux chats entrant dans l'élevage (pendant 3 semaines) et en les testant 2 fois à 1 mois d'intervalle avant de les mettre en contact avec le reste de l'élevage
s'il est indemne.
Dans le cas particulier des collectivités à problème, il est recommandé en plus de :
- Mesurer les titres en anticorps de tous les chats d'un élevage et de les regrouper / isoler en fonction de leur taux d'infection.
- Evaluer l'excrétion fécale par analyse PCR quantitative des selles ou d'un écouvillon fécal (environ 1 chat séropositif sur 3 est excréteur). Les excréteurs chroniques sont les animaux les plus
préoccupants car ils sont porteurs à vie et asymptomatiques, et excrètent de grandes quantités de virus dans leurs selles.
- Après isolement des excréteurs, les analyses seront répétées tous les mois pour s'assurer d'une excrétion chronique ou transitoire.
- Sevrer rapidement les chatons (vers 5-6 semaines) pour les séparer de la mère.
- N'introduire les chatons qu'à partir de 16 semaines, les isoler pour éviter toute contamination.
- Ecarter de la reproduction les animaux qui ont un titre sérologique trop élevé (c'est-à-dire les excréteurs chroniques).
Le Coronavirus résiste longtemps dans le milieu extérieur et peut survivre 7 semaines dans les sécrétions desséchées à 21°C. Toutefois, il est rapidement détruit pas les détergents usuels (eau et savon suffisent).
C'est en dialoguant et collaborant avec son vétérinaire que l'éleveur appréhende au mieux la gestion sanitaire de son élevage, que ce soit pour cette maladie comme pour les autres maladies
infectieuses.
Sources :
Chabanne L. Cours de D2 de médecine interne à l'Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon. 2005.
Casseleux G & Isnar J. Diagnostic de la PIF et méthodes d'évaluation de la contamination d'un effectif par les coronavirus. Le nouveau praticien vétérinaire canine, féline, hors série - les
maladies infectieuses. 2006. 111-116.
Worthing KA, Wigney DI, Dhand NK, Fawcett A, McDonagh P, Malik R, Norris JM. Risk factors for feline infectious peritonitis in Australian cats. J Feline Med Surg. 2012 Jun;14(6):405-12. Epub 2012
Mar 7.
Tsai HY, Chueh LL, Lin CN, Su BL. Clinicopathological findings and disease staging of feline infectious peritonitis: 51 cases from 2003 to 2009 in Taiwan. J Feline Med Surg. 2011
Feb;13(2):74-80. Epub 2011 Jan 8.